mercredi, août 24, 2005

SIDOINE 3

Quand j’ouvrais cette fois la porte de la cuisine pour entrer dans la maison, son caractéristique grincement me donna la chair de poule. En la refermant tout doucement, mes mains touchèrent les fidèles petits rideaux fabriqués au crochet. Je ne pus m’empêcher de les caresser et leur douceur me procura du réconfort.

Je me trouvais donc dans la cuisine, une des pièces les plus chaleureuses avec sa tapisserie jaune d’œuf et sa lumière orangée au-dessus de l’évier. Sur la table reposait une bassine. Ah ! la fameuse bassine dans laquelle nous nous lavions mon frère et moi. J’étais tellement bouleversée que je mis du temps avant de sentir l’odeur savoureuse du vrai chocolat au lait qui tranquillement, réchauffait à feu doux. C’était la boisson dont nous régalait Sidoine au petit-déjeuner. Je pris une tasse dans l’armoire et me servis de ce remède. Ma gorge de desserra. Mais un parfum, plus alléchant encore, vint me flatter l’odorat. Il émanait des merveilleux croissants jambon-fromage, spécialité de notre ancêtre, qui gratinaient dans le four. Quelle invitation ! Mais je n’y tenais plus et voulais poursuivre ma visite.

Dans la salle à manger, comme d’habitude surchauffée, une ribambelle de cadres était alignée fièrement sur le rebord de la cheminée. Il y avait là les photos de tous les petits enfants et arrières-petits-enfants de Sidoine.

Il ne manquait plus qu’elle !

Sur la table, une boîte de chocolats traînait négligemment. J’en choisis un, en ôtai le papier rouge et doré au fond duquel je lus le mot « Gagné ».

C’est à ce même moment que j’entendis à l’étage une voix qui chantonnait cette ritournelle :

« eume graind-mère est interrée

d’un l’gardin dé m’sieur l’curé

min tiot kien, y’a piché d’ssus

eume graind-mère est arvénue »

J’étais comme dans un rêve, je ne savais plus quoi penser, fallait-il avoir peur ou se réjouir ? L’idée de retrouver Sidoine, de me blottir encore une fois dans ses bras, l’emporta, car sans l’avoir vraiment décidé je me ruai dans l’escalier. C’est alors que le bigbenissime carillon de la salle à manger se mit à retentir bruyamment. Mes pieds glissèrent sur les marches recouvertes de l’antique lino, poli par les ans. Je tombai à la renverse, cul par-dessus tête et m’évanouis.

Je repris conscience dans la rue, derrière moi la maison avait disparu.

Nounousse+Mariegroette

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