mercredi, décembre 14, 2005

Les effarés

Noirs dans la neige et dans la brume, Au grand soupirail qui s'allume, Leurs culs en rond, A genoux, cinq petits - misère ! - Regardent le boulanger faire Le lourd pain blond. Ils voient le fort bras blanc qui tourne La pâte grise et qui l'enfourne Dans un trou clair. Ils écoutent le bon pain cuire. Le boulanger au gras sourire Grogne un vieil air. Ils sont blottis, pas un ne bouge, Au souffle du soupirail rouge, Chaud comme un sein.

Quand pour quelque médianoche, Façonné comme une brioche

On sort le pain, Quand, sous les poutres enfumées, Chantent les croûtes parfumées, Et les grillons, Que ce trou chaud souffle

la vie,

Ils ont leur âme si ravie Sous leurs haillons, Ils se ressentent si bien vivre, Les pauvres Jésus pleins de givre,

Qu'ils sont là tous, Collant leurs petits museaux roses Au treillage, grognant des choses Entre les trous, Tout bêtes, faisant leurs prières

Et repliés vers ces lumières Du ciel rouvert,

Si fort,

Qu’ils crèvent leur culotte

Et que leur chemise tremblote

Au vent d’hiver.

-20 septembre 1870.

-Arthur-

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